Daniel Ablin
"Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais uniquement par manque d'émerveillement."
Gilbert Keith Chesterton (1874-1936)

Soleil blanc. Chaleur écrasante, sur mer d'huile. Longues ondes, ondoyantes, nonchalantes. Silence.
Seul.
Se retourner étonné, enivré d'effluves de pins, de genêts et d'ajoncs qui claquent dans le soleil. Air sec, brûlant. Essences qui brouillent la lumière. A gauche, au milieu du champ, le pourpre d'une digitale fredonne avec le bleu lapis-lazuli de bourraches extravagantes. Un impromptu mars écarquille ses ailes bleues métalliques, nonchalamment posé sur un vieux chêne. Mais que fait-il ici ?
Brise dans les feuilles d'un tremble, le bien nommé. Ses mille et une facettes vibrent, sentent l'été et nous hypnotisent comme autant de sirènes visuelles.  Quelques pas et se laisser porter par le bruissement si singulier des peupliers et leur ruissellement apaisant.
Plus loin, le puissant parfum d'un figuier alangui dans un jardin bouleverse. Souvenirs. Confiture. Pèlerinage sensoriel.
Et là-bas, une femme regarde. Fixe l'inconnu. Immergée dans la luxuriance, bras sur les hanches, décidée ou perplexe. Elle part. Revient. Sensible indécision. Ici, c'est beau. Tout simplement beau. Restée émerveillée.
D'ailleurs, l'ailleurs peut-être ici, à côté.  S'arrêter. Écouter. Regarder. Être saisi. Et savourer. Se ressaisir. Cadrer. Déclencher. Repartir. Ça a été.
Attraper la vie en plans serrés. Ou en plans larges. Imager le monde comme un théâtre, en ouvrant les rideaux rouges jusqu'aux bords de la photo. Exposer ses inspirations  comme une pièce de boulevard dans laquelle s'agence au mieux la fantaisie humaine dont les silhouettes singulières se démènent dans leur citadelle, toujours au loin. Être le spectateur-capteur-documenteur de hasards. Puis réinterpréter, resynchroniser, réinventer l'instant. Prendre le temps. Se laisser surprendre.
Un chemin, un voyage. Qui raconte un regard irrigué par une vie.
Le peintre Gérard Fromanger disait : 
"Je suis obligé de partir de la toile blanche. Le problème, c'est qu'elle n'est pas blanche. Elle est noire de tout ce qu'ont fait les autres. Elle est noire de tout ce que j'ai fait moi-même."
Mini bio :
réalisateur depuis plus de 30 ans, j'ai réalisé des dizaines de documentaires (qui abordent l'art ou l'histoire, pour Arte, France 5, Netflix, RMC découverte,...) ou films institutionnels (L'Oréal, Yves Saint Laurent, Dior, Safran, Michelin, Longines, Renault, Danone,...), terrains de recherches, d’expérimentations, toujours passionnants à écrire. Une sélection de mes films est à découvrir ICI.
En réponse à ce monde de l'image qui bouge, la photo s'est imposée, en aparté, il y a une quinzaine d'année, comme un endroit de liberté, sans contraintes.
"Les promenades photographiques" de Vendôme m'ont offert ma première exposition en 2017. Un grand merci à Odile Andrieu pour son indéfectible soutien.